Serpentard Tybalt

« Pour la faire tomber amoureuse, on m' a dit de la faire rire ; mais je te jure Frère qu' a chaque fois qu' elle rit, c' est moi qui en tombe amoureux. »
Inspiration, expiration.
Bloquer sa cage thoracique immédiatement après ces deux actions. Fermer les lèvres et s' empêcher à tout prix de respirer par le nez. Remonter lentement l'arc au niveau de son visage pour mieux viser. Se concentrer sur la cible, et tirer dans les secondes à venir.

Il est des mécanismes au monde qui nous offrent l' impression qu' ils ont toujours fait partie de nous, qu' ils étaient ancrés au plus profond de notre âme et qu' il a suffit d' un instant pour les revéler. S' emparer d' une flèche, la positionner sur l' arc pour pouvoir l' expédier sur la cible qui se présentait en face de lui en faisait partie pour le jeune Serpentard. Il avait certes vu le jour pour la première fois au beau milieu du château écossais, dans le luxueux appartement de son géniteur, mais qu' importait à ce jeune homme, qui n' avait jamais connu autre chose que ce vaste manoir ou l' on enseignait la magie aux jeunes gens, que ce parc qui s' étendait à profusion, débouchant sur un lac qui lui paraissait infini et auquel les rayons du soleil donnaient en temps d' été plus d' éclats que milles et une pierreries, que lui importait ces merveilles que la nature lui offrait d' admirer ? Tybalt ne rêvait pas d' autre chose que de cette orée de forêt ou il avait aperçu pour la première fois Mélisende, de ces bois qui lui présentait tant et tant d' arbres que même en vivant encore cinquante années en ces lieux, il ne réussirait pas à marquer tout les troncs de ses flèches.

Les personnes qui vous donnent envie de vous surpasser dans la vie sont aussi rares que le diamant, aussi précieuses que le cristal, et dans le cas de Mélisende aux yeux du jeune Tybalt, aussi belles que le rubis. Blotti contre elle depuis qu' il avait lâché son arc à la suite de sa réussite, il s' imprégnait de l' odeur de la jeune femme tandis qu' il se lovait contre elle, de la chaleur de sa peau tandis qu' il caressait doucement sa nuque, les mains passées autour du cou de Lady Redwyne dans une étreinte dont il ne comprenait pas le sens mais à laquelle il n' aurait jamais voulu mettre un point final. Ce n' était pas tant la reconnaissance qu' il devait à Lady Redwyne qui le poussait à être attiré vers elle comme la pointe d' une flèche vers sa cible, ce n' était pas non plus une volonté que se devait d' avoir chaque élève de plaire à son maître, c' était.. une chose qu' il n' aurait pas su expliquer, une chose qui lui serrait les boyaux de plaisir à chaque fois qu' il posait son regard sur Mélisende et qui lui aurait fait pousser des ailes si cela avait été du domaine du possible dès qu' il écoutait le cœur de la jeune femme battre à travers sa poitrine et ses vêtements dès lors qu' il se pelotonnait contre elle.

« Le bonheur comme l' amour n' est jamais que dans l' instant ; c' est de l' eau qui fuit dès qu' on croit la tenir entre ses mains. »
Pendant longtemps il avait observé le voile obscur de la nuit qui se dressait devant lui, n'attendant rien de spécial mais ne pouvant réussir à détacher son regard du spectacle nocturne qui s' étendait à l'horizon, droit devant sa personne. Il ne n' aurait pas du être là, il le savait.. Mais il n' avait pas su résister à la tentation, comme toujours. Pendant longtemps alors, il avait mimé la stratégie nécessaire à un bon archer pour atteindre sa cible, dans un contexte obscur éclairé par les faibles rayons lunaires qui pénétraient ici et la dans le couloir, à travers les meurtrières ainsi que les vitraux colorés.

Le jour devait revenir à un moment ou un autre, même si le jeune Serpentard ne savait pas quand précisément ; il en était ainsi depuis la nuit des temps, le soleil succédait à la lune et la lune succédait au soleil. Mordillant légèrement ses doigts, Tybalt essaya de fermer les yeux dans l' espoir de retrouver un sentiment de sommeil et de pouvoir enfin retourner se coucher. Il resta ainsi de longues minutes, espérant, priant presque ses ancêtres de lui faire retrouver enfin la paix du repos sans le rendre éternel. Il en était ainsi depuis le départ de Mélisende ; ses nuits n' étaient qu' un assemblement d' insomnies, qui le poussaient à aller rechercher dans les couloirs une sorte de sentiment agréable, puisqu' il lui était devenu impossible de rester allongés les yeux ouverts. Retrouverait-il un jour cette impression de bonheur parfait, cette sensation de chaleur et de joie qui l'envahissait lorsque la jeune Redwyne le serrait contre elle ?Plus tard peut être, quand les années auraient chassés le souvenir puissant de la perfection qu'offrait son ancienne amie à ses yeux, quand les années auraient permis à l'oubli de venir se glisser dans son cœur et que son esprit s'illuminerait à la vue d'une autre jeune femme ; en attendant il n' y avait rien à faire.
Le jour tomba sur un Tybalt affalé contre le mur en pierre d'un des couloirs du château, la tête reposant sur les genoux dans une position si dénuée de mouvements qu'on aurait pu le prendre pour une statue. Elle ne reviendrait plus entre les murs du château, il ne sentirait plus le parfum de ses cheveux, la chaleur de son corps.. C'était fini, bien fini. Il se leva lentement, observa les horizons du couloirs en s'étirant. Cela pouvait recommencer dans quelques temps après tout, elle ne serait peut être pas la seule fille qu'il rencontrerait – sans doute probablement son père et sa belle mère lui concoctaient ils d'ici plusieurs années, quand il serait devenu un maître des potions à l'égal de Salazar Serpentard, un mariage forcé à une demoiselle de bonne famille, peut être avaient ils déjà commencé à réfléchir à propos de la fille en question.
Après tout il s'en fichait. Ce qui devait arriver arriverait, et il n'y pouvait rien. Alors il quitta le couloir en sifflotant un air de sa connaissance, pour se diriger vers son couchage.